Accessibilité du territoire

Analyse au cœur du diagnostic

L'ESSENTIEL

L’accessibilité est la facilité à atteindre les équipements, les services, les lieux d’activités d’un territoire. On parle d’accessibilité multimodale lorsque l’on analyse cette possibilité par tous les modes de déplacements : en voiture, bien sûr, mais aussi par la marche, le vélo, les transports en commun et les engins de déplacement personnel – EDP (trottinettes, skates, gyropodes).

La mesure de l’accessibilité multimodale d’un territoire est au cœur du diagnostic car elle permet d’identifier les espaces qui ne présentent aucune alternative à la voiture individuelle. De telles alternatives peuvent être d’autant plus nécessaires que ces espaces sont fortement peuplés par des publics non motorisés ou sans possibilité de conduire.

Qu’est-ce que l’accessibilité multimodale ?

L’accessibilité est la possibilité pour les individus d’atteindre les équipements, les services et les activités désirés grâce aux moyens de déplacement disponibles en un temps satisfaisant : vélo, marche, transports en commun et autres véhicules motorisés. L’analyse de l’accessibilité multimodale du territoire est au cœur d’un diagnostic mobilité. L’approche principale consiste à analyser les infrastructures et dessertes existantes sur un territoire pour en dégager des constats, en déduire des indicateurs et des cartographies basés sur les temps d’accès. Elle peut se faire par des méthodes qualitatives et des méthodes de calcul. L’accessibilité peut aussi être vue de façon plus globale, en tenant compte de tous les aspects qui ont un impact sur la mobilité et donc sur la facilité d’accès aux équipements et services, notamment : l’organisation globale de la circulation, de l’urbanisme, du stationnement, le partage de la voirie, la couverture numérique (qui permet d’éviter certains déplacements).

L’ analyse de l’accessibilité doit s’intéresser à l’ensemble de la population du territoire, et à chaque catégorie d’individus, pour lesquels les motifs et lieux de destination seront spécifiques, tout comme les modes de transport auxquels ils auront accès. Un focus sur la catégorie des actifs est incontournable, mais ne doit pas faire oublier les scolaires,  les retraités, les personnes à mobilité réduite, les personnes en situation précaire, qui ont leurs propres problématiques et pourront avoir des évolutions futures distinctes.

L’accessibilité est un potentiel de déplacement, mais pour traduire réellement la facilité d’accès, l’analyse doit également porter sur la facilité d’accès à l’information, sur la capacité à comprendre le système de transport, sur la capacité financière à payer son titre, … Il est ainsi important d’avoir conscience des besoins satisfaits (au moins en partie) mais aussi non satisfaits. La question de l’accès au transport pour les populations en situation de précarité en est un exemple, et l’analyse doit bien souvent s’appuyer sur les services compétents pour la catégorie d’usagers correspondante (dans cet exemple, les services sociaux du territoire : CCAS, foyer rural, mission locale, associations d'insertion, etc.).

Analyser l’accessibilité multimodale du territoire amènera à distinguer deux catégories de territoires ou de sous-espaces à l’intérieur d’un territoire : ceux qui offrent des alternatives à la voiture individuelle (arrêts de réseaux TC, gares TER, parc-relais, etc.) et ceux qui ne présentent pas ou peu d’alternatives. En plus de faire apparaître les territoires les plus fragiles, le diagnostic peut également identifier les ménages les plus dépendants de l’automobile pour lesquels une intervention préventive serait opportune, en croisant les paramètres de lieux d’habitation, de lieux de travail, de solutions de mobilité alternatives à l’automobile et de budgets disponibles.

Des besoins spécifiques pour de multiples usages

Usagers

Motifs de déplacements

Destinations spécifiques

Particularités

Jeunes

(à dissocier : enfants et adolescents)

Domicile-études (transports scolaires), établissements d'enseignement

Jours de semaine

 

Loisirs et activités culturelles et sportives

Mercredi, samedi et dimanche,

Soir en semaine

Personnes âgées

Commerces, marchés,

Services de santé, loisirs, cimetière

Recherche de convivialité

Besoins d'aide à la personne besoin d'accompagnement

Personnes en parcours d'insertion professionnelle

Zones d’emploi, Pôle Emploi

Mise en œuvre des tarifications adaptées

Facilitation de l'accès aux zones d'emploi et aux lieux de formation

Prêt/Mise à disposition de véhicules (voiture, deux-roues motorisé, vélo) Accompagnement à l’usage des modes de transport (permis de conduire, remise en selle, «coaching» dans l’usage des transports collectifs)

Touristes

Très hétérogènes

Sites touristiques

Engorgement de certains lieux touristiques, préservation de l'environnement, stationnement des véhicules de tous types dont les camping-cars, langue étrangère

Personnes

à mobilité réduite

Tous motifs

Difficultés de déplacements individuels qui rendent délicats, voire interdisent les trajets d’approche pour rejoindre un arrêt de transport collectif classique

Besoin d'équipements spécifiques

Besoin d'accompagnement

Actifs

Domicile-travail

Tous motifs

Variable, pas forcément 8h-17h

Un enjeu majeur

L’accessibilité est une condition d’attractivité et de développement durable des territoires. Une bonne accessibilité est le résultat d’une offre de mobilité performante, mais aussi d’un aménagement du territoire qui permet la répartition des activités au plus proche des populations. La proximité des biens, des services et des activités réduit le poids des déplacements dans les modes de vie, ce qui favorise l’arrivée de nouveaux arrivants : ceux-ci devront consacrer moins d’argent et de temps à se déplacer au quotidien que s’ils s’installaient dans d’autres territoires moins accessibles. La réduction des distances parcourues améliore aussi le quotidien des habitants déjà présents, atténue la pollution liée au transport et modère les coûts pour la collectivité liés à la gestion d’éventuels services de transports rendus nécessaires par le manque d’accessibilité.

Dans les communes denses et de densité intermédiaire (c’est-à-dire selon l’INSEE celles dont au moins la moitié de la population réside dans une zone de densité supérieure à 300 hab./km2 regroupant au moins 5.000 habitants ), un habitant sur deux accède aux principaux services de la vie courante (par exemple une pharmacie, une station-essence, un supermarché, une école, etc.) en moins de 4 minutes, quand dans les espaces peu denses, ce temps peut atteindre 6 minutes voire 10 dans les territoires les moins denses. Ces temps sont calculés pour des trajets en voiture, ce qui peut être en décalage par rapport aux pratiques des individus ne disposant pas de voiture, mais permet de faire des comparaisons nationales. Ces inégalités observées de temps d’accès médian aux services augmentent pour des équipements plus rares ou spécialisés.

L’accessibilité des personnes à mobilité réduite : une population importante

On parle également souvent d’accessibilité quand on évoque l’accessibilité des personnes à mobilité réduite, qui est elle aussi un enjeu essentiel du diagnostic et doit nécessairement être intégrée. Les personnes à mobilité réduite sont « toutes les personnes ayant des difficultés pour utiliser les transports publics, telles que, par exemple, personnes souffrant de handicaps sensoriels et intellectuels, personnes en fauteuil roulant, personnes handicapées des membres, personnes de petite taille, personnes âgées, femmes enceintes, personnes transportant des bagages lourds et personnes avec enfants (y compris enfants en poussette) » (directive 2001/85/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2001). Il peut donc s’agir aussi bien de difficultés durables que temporaires. Cette définition invite donc à prendre en considération l’ensemble des freins physiques, cognitifs et psychologiques pesant sur la mobilité des individus : problèmes de santé, situations de handicap mais aussi déficit de compétences nécessaires à l'utilisation de l'offre de transport (comme la capacité à lire un plan, à comprendre une langue, à se repérer, etc.), difficultés à s'approprier certains espaces ou manières de se déplacer, etc. Les réflexions qui se rapprochent de la notion de « motilité » définie comme « l'ensemble des caractéristiques propres à un acteur qui permettent d’être mobile », permet d’enrichir la compréhension des facteurs d’accessibilité en prenant en compte les capacités individuelles à se mouvoir, en termes de condition d’accès, de compétences, et de projets. L’aide d’une association de personnes à mobilité réduite dans l’élaboration d’un diagnostic et d’un aménagement est toujours riche d’enseignements. (pour les acteurs à consulter, se référer à la brique Capamob : Personnes à mobilité réduite § Une démarche de concertation et de participation)

En outre, la mobilité des seniors est un enjeu fort dans un contexte de vieillissement de la population. Le vieillissement de la population s’accélère depuis 2011, avec l’arrivée à 65 ans des générations nombreuses nées après-guerre. Entre 2000 et 2020, la hausse est de 2,4 points pour les habitants âgés de 75 ans ou plus, qui représentent près d’un habitant sur dix au 1er janvier 2020 (source INSEE). Le vieillissement de la population française amène à interroger la place et l’accès des personnes âgées aux services, équipements, activités du territoire mais aussi à la vie sociale. C’est toute la question du bien vieillir qui se pose aujourd'hui de manière accrue. L’enjeu est d’une part d’assurer la sécurité des déplacements par des aménagements adaptés pour prévenir les chutes et les accidents ou plus généralement réduire la pénibilité des déplacements (même s’il convient de nuancer l’importance des risques et des problèmes que rencontrent les personnes âgées, puisqu’une grande majorité se déclare en bonne santé). Il s’agit d’autre part d’accompagner l’accès des personnes âgées aux services, d’autant plus que les distances parcourues et le territoire de vie tendent à se réduire avec l’âge, en améliorant la proximité et les solutions de déplacements alternatives à la voiture, alors que l’arrêt de la conduite automobile qui touche les seniors peut constituer un traumatisme lié à un sentiment de dépendance et de restriction de la vie quotidienne. Par ailleurs la mise en accessibilité pour les personnes âgées leur permet de rester plus longtemps en autonomie et de faciliter un bon état de santé physique et mental.
 

Quelques chiffres sur les personnes à mobilité réduite dans l’ensemble du territoire français

6 millions de personnes concernées par une limitation physique dont 594 000 utilisateurs de fauteuil roulant ;

5,4 millions de personnes concernées par un handicap auditif ;

3,3 millions de personnes ont souffert de troubles psychiques au cours des douze derniers mois ;

2,4 millions de personnes handicapées mentales ;

2 millions de personnes avec poussette ;

1,7 millions de personnes concernées par un handicap visuel ;

805 000 femmes enceintes tous les ans ;

35,4 % des personnes déclarent des difficultés pour accomplir certaines activités de la vie quotidienne et se considèrent comme entravées dans leur mobilité ;

9,1 % de la population a plus de 75 ans. Hausse de 2,4 points entre 2000 et 2020.

Accessibilité

Source : INSEE

Comment mesurer l’accessibilité multimodale d’un territoire ?

Pour évaluer l’accessibilité d’un territoire, deux approches complémentaires sont possibles :

  • L’approche qualitative. Il s’agit ici d’évaluer l’accès aux ressources à partir des contraintes réelles, notamment temporelles, et des possibilités effectives de déplacements des individus. Cette approche permet de s’intéresser concrètement aux situations individuelles. Elle se base sur des entretiens individuels et mais aussi sur des méthodes collectives (ateliers, focus group).
    Il est ainsi possible d’identifier les freins à certaines pratiques : difficulté d’accès aux transports collectifs du fait de parcours compliqués (cf. méthode du parcours commenté),  déplacements réalisés en vélo très peu sécurisés et confortables, manque d’information ou de compétence à accéder aux informations, peur ou inconfort du covoiturage, objectifs multiples lors d’un même déplacement (école, courses, travail), temps de parcours réalisés en transports collectifs qui ne parviennent pas à être compétitifs par rapport à la voiture...
  • L’approche quantitative sur l’ensemble d’un territoire (ou une catégorie de la population). Des indicateurs d’accessibilité́ spatiale mesurent l’éloignement d’un lieu à certaines ressources. La forme la plus courante consiste à produire des cartes isochrones, qui montreront, pour un point de départ donné, les lieux accessibles en moins de 5min, 10min, 15min, … De simples mesures de temps de parcours de point à point peuvent être une alternative minimale pour caractériser l’accessibilité des principaux équipements à partir des différents quartiers d’une ville par exemple.
    Par ailleurs, des méthodes plus complexes peuvent être mises en œuvre, tenant compte de la concurrence pour accéder à un service (méthode de l’accessibilité potentielle localisée) ou de la quantité de services disponibles (méthode gravitaire, comptabilisant l’ensemble des services d’un territoire, pondérés de façon décroissante en fonction de la distance à un point donné). Pour ces méthodes quantitatives, une analyse comparative entre les différents modes est également intéressante. Un mode de déplacement alternatif au véhicule individuel peut devenir compétitif si le temps de parcours selon ce mode est inférieur à environ 1,5 fois le temps nécessaire pour le faire en voiture. Sur la base de ces calculs globaux et théoriques, l’analyse doit également prendre en compte les contraintes individuelles de chacun, ainsi que l’écart entre le potentiel de déplacement et les pratiques réelles de déplacement.

Ces indicateurs permettent de dévoiler les points forts et les points faibles du territoire en matière d’accès aux activités et aux services, en identifiant des actions prioritaires liées à des populations ou des espaces éloignés ou enclavés. Mesurer l’accessibilité d’un territoire renvoie ainsi tant aux espaces bien connectés qu’aux zones blanches distantes ou mal desservies.
 

Exemple d'une analyse individuelle d'accessibilité multimodale

Figure 1 : Exemple d'une analyse individuelle d'accessibilité multimodale

 

Le temps d'accès aux pôles externes

 

IsochroneIsochrone


Figure 2 (3 illustrations) : Accessibilité routière aux pôles extérieurs, accessibilité en vélo aux centres-bourgs du territoire (isochrones) – Communauté de communes Cœur-de-Beauce (28)

Ressources complémentaires

Article sur le site de l’INSEE :

Insee Première
No 1579
Paru le : 06/01/2016

« L’accès aux services, une question de densité des territoires »

Max Barbier, Gilles Toutin, Commissariat général à l’égalité des territoires, David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee