Mesurer l'accessibilité d'un territoire

Méthode principale

L'ESSENTIEL

Le diagnostic doit permettre de déterminer des sous-espaces faiblement accessibles, notamment par des solutions alternatives à la voiture. Afin d’évaluer l’accessibilité multimodale d’un territoire, plusieurs outils et méthodes existent : des méthodes qualitatives basées sur l’observation et l’écoute et des méthodes quantitatives (isochrones, différentes mesures de temps de parcours, ou encore des méthodes de mesure de l’accessibilité aux services en fonction de la demande).

 

Les méthodes qualitatives

Intérêts et aperçu d’ensemble

Les méthodes qualitatives d'étude d’un territoire revêtent les intérêts suivants, pour mesurer l’accessibilité :

  • elles permettent une approche intime et sensible des déplacements des personnes, en incluant le comportement humain, le ressenti. Cela peut faciliter par exemple la compréhension des freins à l’utilisation d’un service de mobilité ou d’un itinéraire ;
  •  lorsqu’ils participent à l’analyse l’usager, le technicien, l’élu, l’acteur local sont au cœur de la démarche. L’observation des pratiques et l’écoute des besoins de ces parties prenantes de la mobilité sont fondamentales pour partager la connaissance du territoire, et permettent une étude plus efficace. Cette implication joue un rôle important dans la mesure de l’accessibilité du territoire, plus globalement dans le diagnostic, mais également dans les étapes suivantes d’une stratégie de mobilité : définir des actions, les mettre en œuvre, les évaluer ;
  • les méthodes qualitatives sont une source d’information ou un complément essentiels dans les territoires où peu de données quantitatives de mobilité sont disponibles, où les données disponibles sont uniquement existantes à une plus grande échelle, où les moyens financiers ou techniques ne permettent pas d’investir dans des enquêtes de détail. C’est souvent le cas dans les territoires peu denses. Et même si de nombreuses données sont disponibles, elles ne permettent pas une vision complète de la mobilité, elles doivent être affinées ou nuancées par la connaissance qualitative.

Diverses méthodes existent pour acquérir des informations sur l’accessibilité d’un territoire, et de manière plus générale sur la mobilité existante.

Elles sont centrées en particulier autour de l’observation et de l’écoute. Elles s’intéressent aux déplacements des individus, mais les méthodes employées peuvent être individuelles ou collectives.

L’observation peut être réalisée notamment au moyen d’un diagnostic en marchant. Des lieux clés de la commune en matière de mobilité (centre bourg, secteurs résidentiels, zones d’activités, abords des gares et des PEM, pôles générateurs de déplacements), ou l’ensemble du territoire partagé en secteurs si le territoire et le nombre de participants le permet, sont arpentés afin de recueillir les observations, les s, les pratiques. Les participants peuvent être des élus, des techniciens, des acteurs locaux, les membres du comité des partenaires ou du conseil de développement, des usagers ou habitants volontaires.

L’écoute peut se faire au moyen d’entretiens, d’enquêtes, de groupes de travail réunis en ateliers ou en focus group.   

On distingue trois types d’entretiens, selon le degré de liberté par rapport au cadre, accordé à l’enquêteur et à l’enquêté : l’entretien directif ou questionnaire, l’entretien semi-directif, l’entretien non directif ou compréhensif. Ils peuvent être réalisés en présentiel, par téléphone, par courrier ou encore par internet.

Les entretiens et enquêtes qualitatives sont abordés dans la brique de Capamob : Mener et exploiter des enquêtes, qui recoupe et complète les informations de la présente brique. Les méthodes et processus décrits dans « mener et exploiter des enquêtes » s’appliquent au recueil des besoins de mobilité, mais sont également pertinentes pour acquérir la connaissance des logiques de mobilité des usagers du territoire, et à travers elles de mesurer de manière qualitative l’accessibilité du territoire.

Exemples :


De manière plus générale, la mobilisation des partenaires et la concertation est bénéfique aux différentes étapes de l’élaboration d’une stratégie de mobilité, ou de la réalisation d’un Plan de mobilité simplifié (PDMS).

La pertinence des différents dispositifs de concertation s’apprécie en fonction des objectifs poursuivis :

TableauLégende

Les ateliers, les focus group

Les ateliers

Les ateliers sont un outil classique de la co-construction d’un diagnostic de mobilité. Ils consistent en la réunion d’une quantité donnée de personnes, et permettent d’enrichir et de partager le diagnostic. Ils se basent ainsi sur des éléments de diagnostic ou de pré-diagnostic déjà identifiés. En matière de mesure de l’accessibilité d’un territoire, ils apporteront des éléments de connaissance empiriques, précieux pour compléter les éléments d’analyse plus quantitatifs (notamment les données de mobilité), et efficaces pour aller à l’essentiel. Les ateliers peuvent être ouverts de façon plus ou moins larges à des catégories spécifiques d’acteurs : élus, techniciens, instances existantes telles que comité des partenaires ou conseil de développement, acteurs de la mobilité de tous horizons, grand public.

L’imagination, et de nombreux moyens et outils éprouvés permettent de rendre les ateliers attrayants voire ludiques, au bénéfice de leur objectif.
 

Les focus group

Les focus group se rapprochent d’une forme d’entretien ouvert, réalisé avec un groupe de personnes.  (cf. le rapport : Espace public : méthodes pour observer et écouter les usagers)

Ce dispositif favorise l'émergence de toutes les opinions, sans forcément chercher à faire émerger un consensus. Il permet de la même manière qu'un entretien classique de recueillir des perceptions, des attitudes, des croyances. Elle permet également aux personnes réunies d'entendre les points de vue des autres, de se positionner et de clarifier son positionnement.

Un focus group s'organise généralement avec 6 à 8 personnes, réunies dans une salle pour une ou deux heures. Il peut également se faire en extérieur, y compris sur un itinéraire construit à l’avance (Cf. diagnostics en marchant). Un animateur est présent pour donner une consigne générale au préalable et gérer la répartition et la circulation de la parole entre les participants. L’animateur peut prévoir quelques questions de relance si la discussion en a besoin.

Dans le cas d’un focus group, on veillera à instaurer un climat d’écoute réciproque tant en quantité (équilibre dans la prise de parole) qu’en qualité (respect, libre expression, etc.). Il ne s’agit pas de lisser tout conflit éventuel, mais de permettre les expressions - y compris si celles-ci sont divergentes - sans animosité, dans un esprit constructif.
 

Exemples :

  • quizz interactif sur l’accessibilité, et partage d’expériences de mobilité entre élus, lors d’un atelier en Haute-Somme
  • diagnostic en marchant et ateliers pour un schéma d’aménagement visant à la sécurisation des déplacements et à l’apaisement de la circulation, à Saint-Genest-Malifaux (42) :
  • questionnaire utilisé pour un focus group consacré aux besoins de mobilité dans la CCSCC (71)

 

Les méthodes quantitatives

Isochrones simples
avec Géoportail

Découvrir

Isochrones simples
avec Openrouteservice

Découvrir

Isochrones autour des gares
par le Cerema

Découvrir

Les isochrones

Les isochrones sont des indicateurs d’accessibilité spatiale prenant la forme de surfaces correspondant à la zone géographique accessible depuis un point choisi, dans une durée de déplacement prédéfinie. Elles offrent une représentation cartographique relativement simple du temps de parcours nécessaire pour se déplacer vers un lieu ou une ressource particulière. Le principal intérêt des isochrones est de délimiter les espaces disposant d’un accès facile à certaines opportunités, par exemple aux gares (cf. travail du Cerema sur les isochrones autour des gares) ou autres arrêts d’un réseau de transport en commun (on parlera alors d’aire de rabattement), ou encore aux services médicaux. En creux, les isochrones permettent d’identifier des « zones blanches », c’est-à-dire des espaces éloignés temporellement de certains services, activités ou biens. Il est notamment possible de moduler le type de transport considéré pour calculer les isochrones, en ayant en tête des temps de transport « acceptables » pour chacun de ces modes. Par exemple, on estime que les individus acceptent en moyenne de parcourir à pied un peu plus d’1 km, ce qui correspond à un trajet d’environ 20 minutes. Mais cette durée « acceptable » sera plus faible si c’est pour rejoindre un moyen de transport, et elle sera en général d’autant plus faible que le transport sera « léger ». On acceptera plus de marcher pour rejoindre une gare qu’un arrêt de bus. Les isochrones permettent ainsi de mettre en lumière le potentiel théorique de report modal, c’est-à-dire la possibilité de changer de mode de transport (dans l’idéal de la voiture individuelle vers les transports en commun, le vélo ou la marche) pour effectuer certains déplacements ou portions de déplacements, ou atteindre certains lieux.

De nombreux outils existent pour calculer et représenter des isochrone (Genevois, 2018). Cependant, du fait de la nécessité de recourir à un calculateur d’itinéraire, ces outils peuvent se révéler complexes à mettre en œuvre notamment lorsque l’on souhaite prendre en compte les transports en commun et/ou les variations temporelles dans l’offre de transport (ce qui suppose une connaissance fine du réseau et de l’offre disponible) ou encore la congestion.
 

Créer des isochrones simples avec des outils en ligne

Géoportail : https://www.geoportail.gouv.fr/

Création d’isochrones uniques (une seule surface d’accessibilité) piéton ou voiture.
Se positionner en un lieu, puis aller dans outils/mesures/calculer une isochrone.
 

Openroutes services : https://maps.openrouteservice.org/

Création d’isochrones multiples (plusieurs surfaces concentriques d’accessibilité) piéton, fauteuil roulant, vélo, voiture, véhicule lourd.
Ouvrir le menu, sélectionner « atteindre », se positionner ou renseigner un lieu, renseigner les paramètres d’isochrones.

 

Créer des isochrones pas à pas

Nous proposons ici une méthode de calcul d’isochrones à partir des données cartographiques ouvertes OpenStreetMap et de l’outil OpenRouteService, qui permet de calculer l’accessibilité pour les piétons, les cyclistes et les automobilistes. Pour des besoins plus précis, l’aide d’un géomaticien des services techniques d’une collectivité ou d’un bureau d’études est recommandée. OpenRouteService propose une interface en ligne qui permet d’obtenir des isochrones graduées selon plusieurs intervalles de distance ou de temps à partir des points renseignés en entrée (à partir de l’adresse, des coordonnées ou d’une sélection directement sur la carte). Mais s’il existe une fonction « transport en commun », celle-ci n’est pas pour l’instant complètement opérationnelle. En exportant le résultat au format GeoJSON puis en utilisant l’outil de géométrie vectorielle « regrouper » sur QGIS selon les valeurs de temps, on obtient une carte isochrone simple. Par exemple, voici l’isochrone correspondant à l’accès en voiture à la gare de Port-Vendres en 5, 10 et 15 minutes.
 

OpenRouteService

 

Dans le cas où le nombre de points de départ est trop important pour être entré manuellement, OpenRouteService propose aussi un plug-in nommé ORS Tools (à trouver dans l’onglet extension de QGIS) qui permet de lancer les calculs à partir d<’une couche de points.

Voici un exemple portant sur la desserte du réseau Albibus à partir de deux sources de données : les arrêts du réseau Albibus, disponible au format GeoJSON sur le Point d’Accès National aux données de transport, et les données carroyées de l’Insee pour la distribution de la population. On utilisera par ailleurs les contours des EPCI, proposés par la base Admin Express de l’IGN, pour délimiter l’emprise de la carte. Après un ajustement des styles des couches, notamment une graduation selon la population par carreau, on obtient ceci :
 

QGIS

 

Pour obtenir les isochrones, il faut tout d’abord s’inscrire gratuitement sur le site OpenRouteService afin de demander une clé API (un identifiant pour utiliser l’outil). Sur QGIS, il faut télécharger l’extension ORS Tools (que l’on retrouvera une fois installée dans l’onglet Internet) et renseigner cette clé dans l’onglet paramètres. Dans la partie « Batch jobs » sélectionner « Isochrones from Layers », choisir en entrée les arrêts puis choisir selon les besoins le mode de déplacement et les intervalles de temps souhaités. Nous choisirons par exemple la marche pour des durées de 5, 10 et 15 minutes pour observer les aires de rabattement du réseau de bus pour les piétons.

Afin de garantir un service disponible pour tous, OpenRouteService impose une double limite. Il n’est pas possible de faire plus de 500 isochrones par jour et seulement 20 par minute. Pour le réseau de transport d’Albi et ses quelques 200 arrêts, cela prend donc environ une dizaine de minutes. Une fois le résultat obtenu, on observe autant d’isochrones que d’arrêts (pour chaque arrêt, un calcul a été effectué vers tout le territoire pour connaître les temps d’accès), ainsi que l’isochrone globale, obtenue en les combinant : le temps d’accès « à l’arrêt de transport le plus proche » (obtenu en prenant le minimum des temps d’accès de chacune des isochrones intermédiaires) . Après avoir ajouté un fond de carte (comme celui d’OpenStreetMap), on obtient ainsi une carte isochrone représentant l’aire de rabattement aux arrêts du réseau Albibus, que l’on peut superposer à la distribution de la population.

 

QGIS

 

Pour aller plus loin

Il est possible d’intégrer plusieurs calculs selon divers types de destinations pour obtenir des indices synthétiques d’accessibilité spatiale. Il convient de bien choisir les points à partir desquels sont mesurées les isochrones selon les thématiques abordées. Il peut par exemple s’agir d’équipements présents sur le territoire, auquel cas la base permanente des équipements peut servir de source de données pertinente. De nombreux travaux l’ont d’ailleurs utilisée pour produire des indicateurs synthétiques en calculant des scores d’accessibilité à partir d’un panier d’équipements et de services prédéfini. Pour ce faire, il faut, via Qgis, calculer une isochrone par type d’équipement ou de service, associer un score selon le poids de l’équipement et son éloignement puis attribuer ce score à une maille choisie (par exemple les communes, les IRIS, voire des mailles géométriques plus précises) grâce aux outils d’analyse spatiale, et enfin agréger ces scores (Dameron, 2015).

 

Limites et précautions d’usage des isochrones

Malgré l’intérêt de cet exercice, la seule prise en compte de la durée de trajet comporte plusieurs limites.

Il semble impossible de déterminer des seuils objectifs, étant donnée la diversité des représentations liées aux pratiques de mobilité. Un trajet long pour quelqu’un peut au contraire paraître rapide à un autre, ce qui rend variable la notion d’accessibilité.

Dautres facteurs comme le niveau de service, la continuité, le confort, la sécurité, la lisibilité, notamment pour la marche ou le vélo, ou le chaînage d’activités (par exemple si la crèche est proche de son lieu de travail, elle est de fait relativement accessible, même si elle se trouve éloignée du domicile) sont essentiels et échappent à l’analyse.

Concernant les comparaisons multimodales, l’influence potentielle de la congestion est importante, même si elle joue moins en territoires peu denses : pour la voiture, en général on dispose des temps de parcours en circulation fluide, très favorable, alors que pour les bus, on part des horaires théoriques qui tiennent compte d’une éventuelle congestion en heures pleines, ce qui dégrade leur compétitivité.

Les vitesses moyennes à vélo sont très variables d’un cycliste à l’autre selon son profil et son matériel (VAE ou pas). Par ailleurs attention aux axes empruntés par le vélo pour les calculs (il faut que soient interdites les autoroutes mais autorisées certaines voies interdites aux voitures...).

Par ailleurs les isochrones n’ont d’intérêt que lorsqu’elles sont mises en perspectives avec d’autres données, entres autres avec le nombre d’habitants, leur niveau de vulnérabilité économique ou la disponibilité des services. Selon les enjeux identifiés sur le territoire, plusieurs indicateurs peuvent ainsi être croisés pour créer des typologies de territoire (Lardellier et al., 2017). Cela permet de mettre en regard l’accessibilité avec les caractéristiques de la population, et conformément à l’origine de cette notion, de prendre en compte au mieux les inégalités sociales d’accès, et les impacts éventuels de l’évolution du territoire (en termes de distribution de la population ou des activités notamment) sur l’accès des individus aux ressources dont ils ont besoin.

 

Des cartes d’isochrones existantes – isochrones autour des gares

Certaines isochrones particulièrement utiles sont déjà calculées et accessibles sur des cartes préexistantes : c’est le cas notamment des isochrone autour des gares ferroviaires. Le site Cerema Data donne les contours des isochrones à 15mn à pied, 10mn à vélo et 10mn en voiture de toutes les gares et arrêts ferroviaires français. Selon le choix des couches pour la cartographie, peuvent également apparaître les principaux équipements générateurs de déplacements (entreprises de plus de 20 salariés, lycées, établissements d’enseignement supérieur), le réseau ferroviaire et sa qualité (double voie, double voie fret électrifiée, etc), et le réseau routier et son trafic (trafic moyen journalier par classe).

Voici un exemple d’isochrones :

Mesurer des temps de parcours théoriques moyens et médians

Les calculs d’accessibilité basés sur les temps de parcours peuvent également être effectués de façon plus simple que les isochrones, avec de simples tableaux. Pour ce faire on calcule des temps de parcours théoriques, c’est-à-dire les temps prévus en prenant en compte le réseau et le mode de transport. Ces temps sont la plupart du temps calculés entre le lieu de résidence des individus (la commune, l’IRIS (brique de base en matière de diffusion de données infra-communales) ou d’autres mailles géométriques plus fines comme les carroyages fournis par l’Insee) et un ou plusieurs points d’intérêt sur le territoire. Il peut s’agir par exemples des services tirés de la base permanente des équipements, les principaux pôles d’emploi identifiés ou des lieux ayant une fonction importante comme une gare par exemple. Concrètement l’idée est de construire un tableau à double entrée résumant les temps de trajets les plus courts entre ces lieux de résidence et ces destinations.

Ce tableau peut être obtenu en utilisant par exemple l’outil OpenRouteService, dont l’extension QGIS permet de calculer rapidement les valeurs grâce à l’option « matrice » (avec une certaine limite de calculs) ou par tout autre outil de calcul d’itinéraire. On obtient ainsi un tableau indiquant pour chaque couple origine-destination un temps de trajet. Ce tableau permet d’identifier rapidement les trajets les plus longs et donc témoignant d’une accessibilité moindre.

En faisant une moyenne des temps d’accès à un panel de services et d’équipements (au départ de chaque commune du territoire, ou pour plus de précision de chaque IRIS ou carreau), on peut ainsi étudier l’accessibilité à un panier de services et d’équipements choisis. C’est notamment ce que propose l’Observatoire des territoires en diffusant des données relatives au temps moyen d'accès pour se rendre de sa commune de résidence à la commune offrant les services d'usage courant la plus proche de son lieu de domicile ou de son trajet domicile-travail. Cela permet de voir quels espaces souffrent d’un déficit d’accessibilité par rapport au reste du territoire.

Un autre avantage de cette méthode (par rapport aux isochrones par exemple) est de pouvoir associer la mesure de l’accessibilité aux personnes qui en bénéficient. L’idée est de pouvoir identifier par exemple un espace très accessible mais peu peuplé ou encore un espace moyennement accessible mais sensiblement plus peuplé. En effet, l’accessibilité étant mesurée pour une entité géographique particulière, il est possible d’y associer des données démographiques (par exemple le nombre d’habitants d’une commune, ou d’autres informations concernant la structure des âges ou des revenus, grâce aux données du recensement notamment) et donc de pondérer l’accessibilité d’un espace selon son poids démographique.

Cela permet de réaliser d’une part une moyenne du temps nécessaire aux habitants d’un territoire pour accéder à tel(s) ou tel(s) services, activités ou nœuds de communication. D’autre part, il est possible de calculer un temps médian, c’est-à-dire la durée minimale que met la moitié de la population pour atteindre leur destination. Par exemple, l’Insee a produit des données sur le temps d’accès médian routier aux principaux services de la vie courante, en calculant pour chaque commune la moyenne des temps d’accès à chacun des équipements sélectionnés parmi la base permanente des équipements (BPE), selon des critères de proximité et de quotidienneté.

Si les données datent de 2014 et ne sont plus actualisées, cet exemple illustre la manière de construire ce type d’indicateurs, reproductible à partir de données plus récentes (la BPE étant actualisé régulièrement). Il faut noter que cet indicateur précis prend en compte les trajets domicile-travail pour calculer le temps d’accès, autrement dit c’est l’équipement le plus près du trajet qui est pris en compte et non seulement du lieu de résidence. Ces données communales sont ensuite agrégées au niveau des bassins d’emploi, ce qui permet de déterminer le temps d’accès médian à cette échelle (Barbier et al., 2016).

En particulier, la médiane calcule un temps qui divise la population en deux : un habitant sur deux met plus que ce temps pour accéder au panier de services. Ainsi le temps médian pour le bassin d’emploi de Vallons-de-l’Erdre en Loire-Atlantique est d’environ 20 minutes (la moitié de la population met moins de 20 minutes à accéder aux services de la vie courante quand l’autre moitié met plus de 20 minutes). La médiane nationale est de 11 minutes environ, ce qui indique une moindre accessibilité du territoire dans le bassin de Vallons-de-l’Edre, cette comparaison est cependant peu significative car la médiane nationale inclut les très grandes villes.

Les calculs présentés ici permettent notamment d’identifier les communes ayant le moins accès aux équipements et aux services jugés indispensables à la vie quotidienne, et donc de savoir où agir en priorité. Néanmoins, du fait de leur relative simplicité, ces indicateurs ne prennent pas en compte les différences de pratiques selon les ménages. En effet, des ménages habitants au même endroit n’auront pas accès dans les faits aux mêmes espaces, en raison de moyens de déplacements, de représentations, ou encore d’emplois du temps différents.

Accessibilité potentielle localisée (APL)

L’accessibilité potentielle localisée (APL) est un indicateur disponible à l’échelle communale qui mesure l’accessibilité aux services en tenant compte de l’offre réellement disponible, notamment en raison de la concurrence liée à la demande locale. Cest notamment sur la question de laccès aux soins que cet indicateur a été mobilisé (DREES – Barlet, Coldefy, Collin & Lucas-Gabrielli, 2012). L’APL comptabilise le nombre de médecins implantés sur chaque commune, pondère chacun avec son taux d’activité (on obtient des ETP), puis ce total est mis en perspective de la population potentiellement intéressée par ce médecin (les communes environnantes), afin d’obtenir un indicateur final en ETP pour 100.000 habitants. Cette méthode peut être complétée en tenant compte de la structure par âge de la population, pour tenir compte de la consultation croissante des médecins avec l’âge. En se basant sur des statistiques de consultations réelles, on peut ainsi obtenir un indicateur global (en nombre de consultations disponibles par an) qui permet de comparer des territoires n’ayant pas les mêmes besoins. . Ces indicateurs permettent d’évaluer avec précision la saturation de l’offre médicale. On peut ainsi mesurer à quel point les praticiens sont débordés ou non par la demande, et s’il leur est possible d’accueillir plus de patients ou non. L’APL qualifie donc la disponibilité de l’offre en fonction de la demande réelle. En outre, l’APL aux médecins généralistes de moins de 65 ans permet d’anticiper les cessations d’activité et donc les zones qui sont susceptibles de devenir fragiles à court terme. Lobservatoire des territoires en propose une visualisation cartographique. Un territoire pourra être considéré comme un désert médical, c’est-à-dire un espace où l’accès aux soins est limité, lorsque son accessibilité́ potentielle localisée est inferieure à 2,5 consultations par an (le recours moyen aux médecins généralistes est de 4 consultations par an). Toutefois, il n’est pas certain que cet indicateur, produit par la DREES en 2018, soit actualisé au fil des ans, il convient donc de faire attention à la pertinence des données, au regard entre autres de l’évolution récente de l’offre médicale (les médecins partants à la retraite par exemple), des besoins de la population (selon le contexte de vieillissement ou de rajeunissement par exemple), ou encore des effets potentiels du développement de la téléconsultation depuis la pandémie de Covid19.