Équipements et services
L’accès aux équipements et services : un facteur clé de la qualité de vie, pour tous
Le confort de vie des habitants des territoires tient pour beaucoup à l’accessibilité des équipements et des services, c’est-à-dire à la possibilité d’atteindre tous les lieux disposant d’une fonction particulière nécessaire à la vie quotidienne (administration, commerces, emploi, études, loisirs, santé, etc.). Si ces équipements et services sont éloignés en distance et / ou longs à atteindre selon le mode de transport, et dispersés, ce qui est souvent le cas dans les espaces peu denses, cela implique des déplacements plus longs en distance et en temps, et plus fréquents, pour les habitants, qui pèsent dans la vie quotidienne. Certains habitants peuvent même être amenés à renoncer à des déplacements, faute de temps, d’argent, ou de capacités personnelles (handicap, difficulté à se repérer…). Il s’agit également d’un facteur clé dans l’attractivité d’un territoire. L’un des objectifs du diagnostic est alors d’identifier et de localiser les espaces souffrant d’une moindre accessibilité aux équipements et services (par exemple les déserts médicaux) et au contraire ceux qui bénéficient de nombreux équipements bien desservis, sur lesquels axer le développement du territoire.
Un enjeu particulièrement fort dans les espaces peu denses
Si certains espaces peu denses sont attractifs et que certains centres-bourgs maintiennent leur vitalité commerciale, d’autres font face à la disparition des écoles, des commerces et des médecins du fait de la déprise démographique, du développement des grandes surfaces et de la concentration des services publics dans les pôles urbains. Ce processus de désertification ou de raréfaction des services et des équipements locaux et l’effritement du tissu de la vie sociale locale laisse les habitants face à un certain désarroi. La recherche en économie du bien-être montre que les habitants sont particulièrement sensibles à l’évolution, et surtout à la dégradation, de leur environnement local. Toutefois le renouveau démographique que connaissent depuis une dizaine d’année une partie des espaces peu denses s’accompagne d’un retour progressif de commerces, notamment alimentaires, et d’activités artisanales. Aussi les réflexions sur les mobilités alternatives, la dépendance automobile, la précarité énergétique des ménages sont indissociables des logiques d’équité et d’égalité dans l’accès aux équipements et services. Or l’accès potentiel à la santé, à la culture, aux études, aux loisirs, etc. est matériellement plus complexe pour les habitants des espaces peu denses que pour nombre de citadins.
Il faut noter qu’une bonne accessibilité des équipements et des services n’implique pas nécessairement un usage réel important de ces services et équipements, et inversement. Ce n’est pas parce qu’on est proche d’une boulangerie ou d’une bibliothèque qu’on y aura nécessairement souvent recours, et la distance n’est pas en soi un obstacle indépassable. Le développement des livraisons et des marchands et services ambulants est également un phénomène à prendre en compte. Pour autant, l’idée d’une répartition équitable (éviter les « déserts ») et efficace (éviter la dispersion) des services et équipements sur le territoire semble relever de l’intérêt général, au moins dans la possibilité de garantir à chacun un accès aux services nécessaires à la vie quotidienne.
De la notion de transport à celles de mobilité & accessibilité
Si les problématiques de déplacement ont longtemps été considérées uniquement comme des problématiques de transport, de gestion des flux et des réseaux, les apports des concepts de mobilité et d’accessibilité ont élargi le champ de réflexion. D’une part, des approches plus sociologiques se sont développées, en distinguant les besoins et les pratiques des différentes catégories de publics (personnes démunies, personnes âgées, jeunes, etc). D’autre part, tout l’ensemble du système de transport, y compris les nouveaux services de mobilité (location de vélos, covoiturage, etc) est à présent considéré comme un moyen d’accéder aux services et équipements. Concrètement, l’évaluation de l’accès des habitants aux équipements repose donc à la fois sur l’aménagement du territoire et l’organisation de l’offre de transport et sur l’adéquation entre l’offre et les groupes en ayant besoin.
Évaluer la qualité de l’offre de services et d’équipements
Pour évaluer la qualité de l’offre de services et d’équipements d’un territoire plusieurs pistes sont à explorer. L’entrée la plus évidente est la localisation des dits services et équipements. Ce travail peut s’effectuer de manière simple grâce à la Base permanente des équipements (BPE), soit directement grâce au fichier détaillé sur le site de l’Insee, soit grâce aux outils de l’Observatoire des territoires, de l’Insee ou de Géoclip qui proposent une cartographie numérique des principaux établissements à une échelle communale.
Pour pouvoir dire quelque chose de cette liste d’équipements, il est nécessaire de la comparer à la répartition géographique et à l’évolution de la population, et plus précisément des différents groupes sociaux si ces services répondent à des besoins spécifiques (par exemple dans une intercommunalité marquée par l’installation de ménages avec enfants, l’observation du positionnement des établissements scolaires par rapport aux espaces résidentiels attractifs). De plus, toutes les personnes n’ont pas la même capacité à se déplacer, et analyser l’offre de services selon les publics permet aussi de prendre en compte ces particularités (l’accès au soin des personnes âgées peut ainsi être compliqué par une mobilité réduite, les pendulaires en se rendant à leur lieu de travail peuvent accéder à d’autres équipements à proximité, etc.). L’outil Portrait et comparaisons de territoires proposé par l’ANCT et l’outil Rapports et portraits de territoires développé par l’Insee adoptent au moins en partie cette logique en confrontant des données sur le profil socio-démographique de la population et la présence plus ou moins forte de certains services et équipements.
Outre la superposition sur une carte des équipements et de la population, plusieurs indicateurs permettent de juger de la « densité » de service sur le territoire par rapport aux besoins. Le plus simple équivaut à diviser le nombre d’équipements par la population totale pour obtenir une densité d’équipements pour un territoire donné. La comparaison par rapport aux groupes sociaux ayant besoin de ces équipements permet d’affiner cette approche. Pour autant cela ne prend pas en compte le niveau de service, ce qui peut biaiser l’analyse. Ainsi des travaux sur l’accès à la santé ont permis de créer un indicateur synthétique, l’accessibilité potentielle localisée, qui outre le nombre de services (en l’occurrence le nombre de médecins et de praticiens par commune), mesure aussi leur niveau de service par rapport aux besoins (le nombre de consultations effectivement effectuées est ainsi rapportée à ce qu’il serait théoriquement possible de réaliser, ainsi qu'au nombre de personnes âgées). D’autres analyses complémentaires sur les horaires d’ouvertures, sur l’accessibilité spatiale aux services peuvent aussi compléter l’étude. La brique « indicateurs de niveau d’équipement » offre un panorama plus précis des indices mobilisables.
Une autre manière d’évaluer la distribution des équipements et services est d’identifier des centralités sur un territoire marqué par une densité importante. Ces centres de services et d’équipements fonctionnent selon des niveaux différenciés à une échelle locale, intermédiaire ou régionale, en fonction à la fois de la densité d’équipements ou de services mais aussi du caractère plus ou moins rare et spécialisé de ces derniers. Au-delà d’une analyse quantitative et cartographique qui peut s’avérer fastidieuse, une consultation des habitants sur les besoins et les manques qu’ils ressentent ou des acteurs du territoire sur les enjeux qu’ils perçoivent (par exemple, les acteurs de santé auront un aperçu des besoins de soins des habitants, etc.) peut s’avérer plus efficace.
Enfin, l’étude de l’offre de services et d’équipement peut conduire à identifier des territoires cohérents, permettant de répondre aux besoins quotidiens des habitants, avec l’idée que plus ce territoire sera restreint moins les habitants devront effectuer des distances contraignantes pour y parvenir, tout en augmentant la qualité de vie et l’attachement au territoire. La notion de bassin de vie recoupe notamment ces réflexions et peut être intégré à un diagnostic de mobilités. L’Insee a défini la notion de bassin de vie comme « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants » (services aux particuliers, commerce, enseignement, santé, sports, loisirs et culture, transports), et n’a pas actualisé ce zonage depuis 2012, mais devrait le faire prochainement.
Ces façons d’appréhender les services et équipements peuvent être déclinées pour aborder plusieurs enjeux thématiques (accès aux soins, aux commerces, aux services publics, aux loisirs, à la culture, mais aussi au numérique, etc.). Elles permettent également de cerner la géographie de l’offre sur le territoire, plus ou moins concentrée au sein de pôles multifonctionnels et plus ou moins proche selon le caractère quotidien, occasionnel ou exceptionnel des services, plus ou moins en adéquation avec la localisation des espaces connaissant une évolution démographique.
Rendre cohérentes les politiques de mobilité et d’aménagement du territoire
L’évaluation de l’offre de services et d’équipement est une partie essentielle du diagnostic de mobilité puisqu’elle permet d’identifier d’éventuels besoins d’accessibilité et d’y répondre en améliorant l’offre de transport et de mobilité pour y accéder. L’amélioration de l’offre de transport collectif ou l’amélioration des aménagements pour les cyclistes ou les piétons vers les pôles d’équipements identifiés peut ainsi permettre par exemple d’améliorer de façon significative leur accès.
Mais cette évaluation de l’offre d’équipements et de services traite également de l’équité de la répartition des équipements et des services, et les actions à entreprendre pour améliorer l’accessibilité peuvent également relever d’autres politiques publiques, et notamment celle d’aménagement du territoire.
Il peut s’agir de regrouper certains services comme au sein des Maisons des Services à la Population. Ce regroupement permet de rendre ces services accessibles aux habitants du territoire sans devoir se rendre dans un grand pôle urbain plus éloigné, ou devoir faire une multitude de déplacements contraints en horaires pour pouvoir bénéficier des services. En parallèle, plusieurs dispositifs nationaux (Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain, …) orientent l’action publique vers le soutien aux centres-villes et centre-bourgs, aux commerces de proximité́, au maintien ou à l’ouverture de lieux de convivialité́, permettant ainsi d’améliorer l’offre de proximité et incidemment de réduire les déplacements contraints.
Si l’accès aux services publics par voie numérique a pu compenser partiellement la disparition des guichets physiques d’accueil, en particulier pour les démarches fiscales, il subsiste de profondes fractures numériques entre les territoires et le maintien d’interlocuteurs et de sites physiques permet de maintenir un principe d’équité et d’accessibilité.
Le développement de services mobiles est aussi une réponse possible au déficit d’accessibilité, par exemple grâce à la mise en place de commerces itinérants qui permettent de rapprocher sensiblement l’offre des habitants tout en conservant une certaine viabilité économique.
Les réflexions sur le niveau de service et notamment l’adéquation des horaires est une autre piste à explorer, en adaptant les temporalités des transports collectifs aux heures d’ouverture et de fermeture ou inversement.