Transport solidaire

L'ESSENTIEL

Les transports solidaires regroupent le transport à la demande réservé à une catégorie d’usagers, les transports privés et le transport d’utilité sociale : tous visent à offrir une solution de déplacement à des personnes qui ne peuvent utiliser une voiture personnelle en l’absence de transports collectifs. Un objectif social est également poursuivi dans la mise en œuvre de ces transports, qui reposent souvent sur des bénévoles et peuvent offrir un accompagnement des bénéficiaires en plus du déplacement : maintien du lien social et dynamisme local, lutte contre l’exclusion…

Le recensement et l’analyse de l’offre de ces services et de leur usage permettent de déterminer des besoins de mobilité non couverts, pour des catégories de publics (personnes âgées, démunies, à mobilité réduite, jeunes…), et pour des destinations (équipements, secteurs…). Il est alors possible d’agir pour adapter ces transports solidaires existants et / ou créer de nouvelles offres, solidaires (réservées à des publics cibles) ou inclusives (ouvertes à tous et particulièrement utiles pour ces publics cibles).

 

Qu’est-ce que le transport solidaire ?

La notion de transport solidaire n’est pas définie juridiquement. Ce terme peut être utilisé pour désigner le transport d’utilité sociale (TUS), le transport à la demande (TAD) réservé à une catégorie d’usagers et les services privés réservés. Le lien entre toutes ces solutions, qui permet de les qualifier de transport solidaire, est leur objectif : elles cherchent toutes à offrir une solution de déplacement aux personnes qui en manquent, et qui pourraient être contraintes de ce fait à renoncer à un déplacement pourtant nécessaire dans leur vie quotidienne, voire à un plus grand isolement. Le transport solidaire est ainsi un service de mobilité mis en place pour une catégorie de bénéficiaires, qui faute de pouvoir utiliser une voiture individuelle ou les transports collectifs, a besoin d’une offre spécifique pour certains de ses déplacements. 

Ces personnes bénéficiaires du transport solidaire sont ainsi les personnes âgées en perte d’autonomie, mais aussi les enfants et les jeunes, les personnes à mobilité réduite ou encore les personnes très démunies, qui n’ont pas la possibilité de conduire et / ou d’avoir leur propre véhicule dans des territoires dans lesquels l’offre de transport en commun est trop faible ou leur est inaccessible.

Les solutions de déplacement proposées reposent généralement sur le bénévolat. C’est un moyen de créer des solutions à un coût supportable, mais c’est aussi une façon de créer et de maintenir du lien social dans les territoires. Une autre forme de solidarité observée est le recours aux personnes en insertion pour mettre en œuvre ces services. Dans les deux cas, le rôle des associations et entreprises d’insertion est capital. 

De nombreuses initiatives ou expérimentations se sont développées dans les territoires ces dernières années pour répondre de façon pragmatique aux besoins. Nombre de ces services, s’ils ne respectent pas les critères de TUS ou TAD / services privés réservés, ou du covoiturage (mise en relation de personnes souhaitant réaliser le même trajet), se développent hors cadre réglementaire et restent donc fragiles. 

 

Les transports d’utilité sociale

Si le transport solidaire n’est pas défini juridiquement, le transport d’utilité sociale (TUS) est défini par la loi Grandguillaume et ses décrets d’applications, parus en 2019, et codifiés (articles R. 3133-1 à R. 3133-5 du code des transports). A ce titre, le TUS doit remplir plusieurs conditions :

  • il est mis en œuvre par une association ;
  • les personnes transportées doivent avoir un accès aux transports publics collectifs ou particulier limité du fait :
    • de leurs revenus : c’est-à-dire bénéficier d’une couverture complémentaire santé solidaire ou d’une des dix prestations sociales listées dans le décret ;  
    • OU de leur localisation géogra­phique : c’est-à-dire résider dans une commune rurale ou appartenant à une unité urbaine de moins de 12 000 habitants ; dans ce cas, le trajet effectué en TUS doit être réalisé dans le périmètre de communes rurales ou d’uni­tés urbaines de moins de 12 000 habitants, ou avoir pour destination un pôle d’échange multimodal ;
  • les trajets doivent être inférieurs à 100 km ;
  • les véhicules doivent appartenir à l’association ou lui être mis gratuitement à disposition par les bénévoles ;
  • la participation aux coûts que l’association peut demander au bénéficiaire, pour chaque dépla­cement réalisé, est destinée à prendre en compte les frais engagés pour l’utilisation du véhicule de transport et est plafonnée par arrêté du ministre en charge des transports (l’arrêté de 2019, en cours en 2021, fixe ce plafond à 0,32 euros par kilomètre parcouru).

Dans les faits, de nombreuses initiatives s’apparentant au TUS, sans pour autant respecter toutes ces conditions, se sont déployées dans les territoires, pour répondre à des besoins patents. Elles reposent le plus souvent sur un réseau de conducteurs bénévoles, qui sont mis en relation avec les bénéficiaires via un référent, et qui apportent un accompagnement aux personnes véhiculées (aide pour s’orienter, conversation, rangement des courses, prise de rendez-vous médical, etc.), permettant de tisser du lien social au sein des territoires. Cette fonction d’accompagnement dans le transport d’utilité sociale est tout aussi importante dans la notion de transport solidaire que la fonction de déplacement.

Le transport d’utilité sociale peut également être mis en œuvre en ayant recours à des personnes en insertion dans les fonctions de conducteurs comme de référents, tant que tous les critères du TUS sont respectés (mise en œuvre par une association, définition des bénéficiaires et des trajets, plafond de défraiement).
 

  Retrouvez la fiche Cerema : Le transport d’utilité sociale : accompagner les personnes isolées

 

Les transports à la demande réservés à une catégorie d’usagers

Le code des transports définit les transports réguliers de personnes (bus urbains, cars interurbains) comme des services offerts à la place (par opposition aux courses des taxis et véhicules de transport avec chauffeur – VTC) dont le ou les itinéraires, les points d’arrêt, les fréquences, les horaires et les tarifs sont fixés et publiés à l’avance. Le transport à la demande (TAD) est également un service offert à la place, dans un véhicule de 4 places minimum incluant celle du chauffeur, mais dont l’usage est déclenché à la demande des usagers, ce qui est pertinent dans des territoires peu denses, pour lesquels les flux sont trop insuffisants et diffus pour pouvoir mettre en place un service de transport régulier efficace à un coût supportable.

Le TAD peut desservir des arrêts fixes à des horaires réguliers (seul le déclenchement du trajet est à la demande de l’usager dans ce cas), ou peut desservir des arrêts demandés par les usagers dans des plages horaires et des périmètres définis (on parle de TAD zonal), ou encore, peut être un mélange des deux formules (un TAD desservant un marché depuis les domiciles des usagers, par exemple). La plus grande souplesse est laissée aux autorités organisatrices des mobilités dans l’organisation du service de TAD afin qu’il réponde au mieux aux besoins, y compris selon les heures de la journée (par exemple, un TAD peut desservir domicile – gare aux heures de pointe et être zonal aux heures creuses), ainsi que dans les délais de réservation et la tarification.

Un service de TAD peut être réservé à des catégories particulières d’usagers (personnes âgées, personnes à mobilité réduite), ou proposer une tarification spécifique pour permettre aux personnes aux faibles ressources d’en bénéficier. Dans ce cas, il peut représenter une offre de service de transport solidaire

Le transport à la demande, nécessairement porté par une collectivité autorité organisatrice des mobilités, peut être confié à une association qui gère un réseau de conducteurs bénévoles ou des chauffeurs en insertion, en cas de carence de l’offre (par exemple, après un appel d’offre auprès d’exploitants qui se révèle infructueux).

 

Les services de transport privés réservés à une catégorie d’usagers

Les services de transport privés sont ceux qui peuvent être organisés par les collectivités publiques, les entreprises et les associations pour les besoins normaux de leur fonctionnement, notamment pour le transport de leur personnel ou de leurs membres.

Les associations peuvent organiser le transport de leurs membres, ou de leurs adhérents, sous réserve que ces déplacements soient en relation directe avec l’objet statutaire de l’association et qu’il ne s’agisse pas d’une association dont l’objet principal est le transport de ses membres ou l’organisation de voyages touristiques. Dans ce cas, les services sont exécutés avec des véhicules appartenant à l’association ou pris par elle en location sans conducteur. Par exemple, un centre social peut organiser un service de transport de ses adhérents, en déterminant lui-même les modalités de fonctionnement (plages horaires, dessertes, etc.), sous réserve que ce service soit gratuit pour les adhérents. Un autre type d’exemple est celui d’une association qui recourt à des chauffeurs en insertion pour véhiculer les salariés d’une entreprise : dans ce cas, le service est gratuit pour les salariés.

Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent également organiser des services privés de déplacement pour des catégories particulières d’administrés, dans le cadre d’activités relevant de leurs compétences propres, à l’exclusion de tout déplacement à caractère touristique. Par exemple, le transport des élèves à la cantine, ou le transport du personnel d’une organisation pour une activité spécifique, relèvent de cette catégorie. 

Pour les associations comme pour les collectivités, le transport privé doit nécessairement respecter ces trois conditions :

  • le transport doit servir exclusivement aux besoins de fonctionnement de l’établissement qui l’organise,
  • il doit être effectué à titre gratuit (sauf pour le transport de personnel),
  • il doit être exécuté au moyen de véhicules appartenant à l’organisateur ou pris en location sans conducteur ou mis à sa disposition par des entreprises de transport public routier de personnes (collectif ou particulier).

 

Recenser et évaluer les transports solidaires existants

Dans le cadre du diagnostic, recenser les services de transport solidaire existants, notamment des services de transport d’utilité sociale mis en œuvre par des associations ou tout autre dispositif qui peut s’y apparenter, permet de compléter l’évaluation de l’offre de transports sur un territoire. Suite à ce recensement, il est utile d’évaluer leur pertinence en tant que réponse à une demande existante et potentielle, en analysant les caractéristiques de l’offre de transport solidaire, l’usage qui en fait, pour en déduire des besoins potentiels non couverts. C’est également l’occasion de vérifier les conditions juridiques d’organisation de ces services pour en déceler les fragilités éventuelles.

Cette analyse concerne à la fois les transports solidaires :

  • organisés et mis en œuvre par des associations : transport d’utilité sociale et transports privés
  • organisés par l’autorité organisatrice des mobilités (la communauté de communes ou groupements : PETR, syndicat mixte, ou à défaut de prise de compétence, le conseil régional) pour le transport à la demande et le transport privé.

Pour le transport d’utilité sociale et pour le transport à la demande mis en œuvre par une association, en cas de carence de l’offre, ou par un exploitant, il est nécessaire d’obtenir les données auprès de ces structures.

Analyse des caractéristiques de l’offre

Il est nécessaire de vérifier les conditions de mise en œuvre de ces services : par qui sont-ils éventuellement organisés ? qui les met en œuvre ? avec quels moyens humains et financiers ? quelles sont les fondements juridiques de ces services, notamment en matière de contractualisation éventuelle ?

Cette première analyse permet de déterminer à quelle catégorie ils appartiennent : covoiturage, transport d’utilité sociale, transport à la demande (éventuellement réservé à une catégorie d’usagers et / ou mis en œuvre par une association en cas de carence de l’offre, toujours organisé par une autorité organisatrice de la mobilité), et service privé.

S’ils n’entrent pas complètement dans l’une de ces 4 catégories, par exemple en ne respectant pas tous les points d’un TUS, ou en s’étant construit sous des formes hybrides, ces services sont fragilisés. Le risque est en effet double :

  • en cas de conflit, notamment sur la concurrence avec un transporteur (taxi), l’organisateur du service peut être attaqué juridiquement, et risque de perdre son procès et devoir cesser le service ou revoir les conditions de mise en œuvre ;
  • en cas d’accident impliquant un conducteur et / ou un passager bénéficiaire, la responsabilité civile, voire pénale, de l’organisateur du service peut être engagée. 

Si le service repose sur des bénévoles, il est nécessaire que la perception des sommes versées par les bénéficiaires n’excède pas le strict remboursement des frais, et qu’il n’existe pas de lien de subordination entre le bénévole et l’association ; si ces deux éléments ne sont pas cumulativement respectés, les tâches réalisées par les bénévoles peuvent être requalifiées en activité salariale.

Au-delà du respect de la réglementation, il est utile d’identifier les objectifs du transport solidaire : selon les services, la fonction de déplacement peut être plus ou moins prédominante par rapport à d’autres fonctions sociales. Par exemple, un service de TUS peut être réservé aux seuls déplacements de rendez-vous médicaux, dans un objectif de santé publique, ou un TAD réservé à la seule desserte d’un marché dans un objectif de lien social et de soutien économique aux marchands. Dans ce cas, ces services apportent une plus-value en termes de mobilité mais ne couvrent qu’un motif de déplacement.

Il est également nécessaire d’identifier les modalités de fonctionnement de ces services :

  • à quelle catégorie d’usagers sont-ils réservés : personnes âgées, personnes sous conditions de ressources, personnes à mobilité réduites, etc ;
  • quelles sont les dessertes permises : arrêts à des équipements et / ou zones pour le TAD, quels périmètres éligibles et / ou définis par l’association pour le TUS
  • quels sont les plages de fonctionnement du services (à l’année, à la semaine, au jour)
  • quelles sont les caractéristiques de la réservation : quels délais, quel rôle du référent qui met en relation bénévoles et bénéficiaires, faut-il utiliser une application, etc.
  • comment le service est-il porté à connaissance des bénéficiaires potentiels, la communication réalisée est-elle très importante et permanente ou reste-elle assez confidentielle ?

A partir de ces éléments, et des autres briques d’analyse (notamment, « pôles générateurs de déplacement », « composition socio-démographique et impact sur la mobilité », « offre de transports collectifs », « adaptation des aménagements et des services à tous les publics »), il est déjà possible de déterminer deux types de besoins non couverts :

  • des types de publics (personnes âgées, personnes à mobilité réduites, jeunes, personnes démunies, etc) qui n’ont pas de solutions de déplacement, intégrant la part qu’ils représentent dans la population et leur localisation
  • des secteurs du territoires : des équipements, des zones d’habitat, des zones d’emploi, non desservies, alors qu’elles pourraient avantageusement l’être par des transports solidaires.

Analyse des caractéristiques de l’usage

Au-delà des principes de fonctionnement des transports solidaires, il est utile de compléter cette première analyse de l’offre par une analyse de son usage, en s’intéressant à la fréquentation du service :

  • nombre de personnes bénéficiaires,
  • profils des personnes bénéficiaires (genre, âge, vulnérabilité financière…)
  • nombre de trajets réalisés
  • périodes journalières, mensuelles, annuelles de forte et faible fréquentation
  • motifs des déplacements
  • origines et destinations des trajets
  • longueurs des trajets
  • dynamique de la fréquentation (tendance à la hausse, à la baisse…)
  • retour des bénéficiaires, des bénévoles éventuels et des personnels actifs dans la mise en œuvre du service (enquête de satisfaction, retours clients, etc…) 

Tous ces éléments objectivés, liés à l’interprétation qu’en fait l’exploitant du service, complétée de son analyse qualitative, permettent de déterminer si les services atteignent leurs objectifs. Les raisons explicatives des différences observées entre objectifs et résultats obtenus (par exemple, un service qui vise les personnes âgées mais dont le profil des bénéficiaires est massivement celui des personnes à mobilité réduite) sont à rechercher, dans les modalités de fonctionnement, dans la mise œuvre d’offres alternatives, ou encore dans la communication réalisée pour ces services.

Tous les éléments sont alors réunis pour définir les actions à réaliser, qu’elles ciblent les transports solidaires existants (réorientation des objectifs, adaptation des modalités de fonctionnement, élargissement, plus forte communication sur leur existence, coordination entre services…), ou qu’elles consistent à créer de nouveaux services. Ces nouveaux services peuvent relever du transport solidaire, mais aussi d’autres offres (TAD non réservé, modes actifs, modes partagés, etc), dans la recherche d’offres de mobilité inclusives, c’est-à-dire ouvertes à tous usagers et particulièrement utiles aux publics ciblés.