Composition socio-démographique de la population
De l’intérêt d’un portrait démographique pour analyser les mobilités
L’analyse des enjeux de mobilité doit être mis en rapport avec les caractéristiques socio-démographiques de la population du territoire concerné. D’abord parce que ces caractéristiques influent largement sur les pratiques de déplacements des individus, sur leurs besoins de mobilité et sur les contraintes qui s’exercent vis-à-vis de ces besoins : nature des activités professionnelles et familiales, ressources financières disponibles, position dans le cycle de vie notamment. Ainsi les mobilités des seniors ne sont pas les mêmes que celles des jeunes ou des parents, celles des scolaires diffèrent de celles des actifs, celles des cadres de celles des agriculteurs, des ouvriers ou des employés. Ensuite parce que la localisation des ménages sur le territoire est le résultat d’un compromis entre leurs ressources, leurs obligations professionnelles et leurs aspirations plus globales en matière de cadre de vie. Tous les secteurs d’un territoire ne permettent pas de manière identique la satisfaction des besoins de mobilité. Il est donc important d’avoir une idée du profil socio-démographique de sa population et de sa distribution spatiale pour connaître les besoins et les enjeux de mobilité sur un territoire.
Bien cibler les évolutions socio-démographiques à l’œuvre
Cette question se pose naturellement en raison de la diversité des dynamiques à l’œuvre dans les espaces peu denses. Si ceux-ci connaissent une certaine croissance démographique à l’échelle nationale depuis les années 1990, cette croissance globale n’est pas homogène. Elle est statistiquement imputable à celles des communes peu denses situées dans la périphérie des grands pôles urbains. D’autre part, elle repose plutôt sur l’installation de nouveaux habitants originaires des villes, ce qui conduit à transformer le profil socio-démographique des espaces périurbains et ruraux et incidemment les besoins de mobilité. Tous les territoires ruraux ne connaissent toutefois pas cette dynamique de revitalisation.
Les zones peu denses accueillent une population globalement plus âgée que celle des zones urbaines. Cette population est également moins aisée, avec des écarts de revenus moins importants que dans les zones urbaines. Là encore, ces réalités statistiques cachent de grandes disparités, les variations entre territoires pouvant être significatives. C’est pourquoi il est intéressant de pouvoir situer les caractéristiques de l’intercommunalité au sein du territoire départemental ou régional par exemple, ou en comparaison d’autres territoires du même type. Enfin, il est essentiel de pouvoir identifier les éventuelles disparités socio-démographiques au sein même de l’intercommunalité, pour pouvoir mieux cibler des lieux ou des profils présentant des besoins spécifiques de mobilité et nécessitant par conséquent des réponses adaptées.
Les principales sources d’information sur les caractéristiques de la population
Pour préciser le portrait des habitants d’un territoire, le recensement de la population effectué par l’Insee constitue la principale source de données. Des outils existent aujourd’hui pour proposer une visualisation statistique et cartographique claire et organisée : c’est le cas par exemple de l’outil « Portrait et comparaisons de territoires » développé par l’ANCT et de l’outil « Rapports et portraits de territoires » développé par l’Insee. Les principales informations disponibles portent sur le genre, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, le niveau d’étude, le taux d’activité et d’emploi, la taille et la composition du ménage et le niveau de revenu.
Pour analyser ces données en lien avec les enjeux de mobilité, il convient d’abord de comprendre comment ces caractéristiques socio-démographiques interagissent avec les pratiques de déplacements, dont plusieurs exemples sont donnés ci-dessous.
Emploi, catégorie socioprofessionnelle et mobilité
Si les déplacements vers le travail ne représentent en moyenne qu’un quart des déplacements, ceux-ci sont structurants par leur régularité et par leur organisation à l’heure de pointe. Ce sont aussi en moyenne les plus longs parmi les motifs de déplacement quotidien. Les déplacements des actifs sont assez bien connus grâce aux données du recensement rassemblés dans la base Mobilités professionnelles de l’Insee, qui exploite les communes du domicile et du lieu d’emploi habituel de chaque actif du ménage, ainsi que le mode de transport principal utilisé (sans toutefois permettre de savoir si le déplacement est réalisé une fois par jour, ou plus (retour le midi), ou moins (télétravail) ou encore si le déplacement comporte des arrêts intermédiaires (dépose d’enfants, courses, etc…). Les portraits de territoire de l’Insee montrent ainsi les disparités entre territoires en fonction de la distance moyenne domicile-travail. La catégorie socioprofessionnelle est aussi une variable explicative de la mobilité vers le travail : l’enquête sur la mobilité des personnes (EMP niveau national, 2019) ou les traitements des enquêtes déplacements certifiées Cerema EMC2 (niveau local, plusieurs territoires chaque année) montrent en général que les cadres et professions intellectuelles supérieures ont des déplacements vers le travail plus longs en distance et en temps que les autres catégories.
Pour structurants qu’ils soient, les déplacements vers le travail des personnes en emploi tendent à occulter deux autres aspects des pratiques de mobilité liées au travail :
- Les difficultés liées aux besoins de mobilité des personnes en recherche d’emploi (accès aux lieux d’emplois, aux lieux d’emplois qualifiés, aux centres de formation, aux services publics de l’emploi, etc.) ;
- Le fait que certaines professions effectuent d’importants déplacements professionnels (artisans, métiers du transport, des services à domicile, etc.), non pris en compte dans les données du recensement, mais qui peuvent présenter des enjeux importants en matière d’accessibilité à certains secteurs, de maîtrise des nuisances ou d’accidentologie.
Les niveaux de revenu et la mobilité
L’effet du niveau de revenu sur les pratiques de mobilité est sans doute d’une utilisation ambiguë dans un diagnostic territorial de mobilité. En France comme dans les pays occidentaux, la longueur des déplacements, leur caractère plus carboné, et dans une moindre mesure leur fréquence, s’accroissent statistiquement avec le revenu, ou plus encore avec le diplôme obtenu. Mais ce type de données à grande échelle peut cacher d’autres phénomènes :
- L’impact environnemental de ces déplacements et leur coût pour l’usager restent très variables selon le mode de transport utilisé ;
- Les déplacements occasionnels de loisirs (tourisme, vacances, résidences secondaires), pratiques statistiquement plus importantes chez les populations plus aisées, peuvent avoir un impact environnemental important ;
- Les populations les plus pauvres peuvent être moins motorisées, voire non-motorisées (cas fréquent des populations précaires dans les quartiers de la politique de la ville, par exemple), ou à l’inverse motorisées et très dépendantes de l’automobile pour leur emploi (avec des distances élevées entre le domicile et les lieux d’emplois, la nécessité de cumuler plusieurs emplois à temps partiels ou des missions d’intérim, de revenir au domicile entre deux emplois fractionnés au cours de la journée, etc.).
Ainsi, pour appréhender les enjeux sociaux de la mobilité son territoire, les indicateurs socio-économiques tels que les revenus moyens et médians, le taux de population vivant sous le seuil de pauvreté ou encore l’usage d’indices de précarité ou de vulnérabilité constituent des données intéressantes mais qui ne peuvent suffirent. Elles nécessitent d’être croisées avec d’autres données et avec la connaissance apportée par les acteurs institutionnels.
Âge et mobilité
L’âge est le facteur qui influe le plus sur l’intensité de la mobilité des individus : celle-ci tend à augmenter avec l’âge, notamment au moment de l’entrée dans la vie active et de la parentalité éventuelle, puis diminue avec le grand âge.
Les enfants, adolescents et jeunes adultes sont concernés par les mobilités liées à la scolarisation. Les déplacements domicile-études ont tendance statistiquement à s’allonger avec l’avancée de la scolarité. Si l’accès aux établissements d’enseignement peut être facilité par la mise en place d’une offre collective adaptée, les déplacements pour accéder aux loisirs et activités culturelles ou sportives sont essentiels à la socialisation des jeunes mais ils s’avèrent plus complexes à organiser du fait de la diffusion spatiale des lieux concernés, des horaires de fréquentation et de la moindre massification des flux. L’autonomie des enfants pour les déplacements de courte portée (accès au collège par exemple, ou aux clubs et activités situés à relative proximité) et la rationalisation des déplacements d’accompagnement réalisés par les parents (entraide, covoiturage, etc.) sont ici des pistes d’action importantes. D’autant plus que les évolutions de comportement durant les dernières décennies sont préoccupantes: de plus en plus d’accompagnement en voiture pour les enfants et de moins en moins de déplacements en modes actifs pour des déplacements très proches du domicile et fréquents.
À l’autre extrémité de la pyramide des âges, les personnes âgées connaissent en moyenne une baisse de leur mobilité en nombre de déplacements et en distances parcourues, du fait notamment de la disparition des mobilités liées au travail au moment de la retraite. Cependant, les retraités d’aujourd’hui se déplacent plus en voiture que les retraités d’hier et encore plus d’avant-hier. Le vieillissement ou la maladie peuvent également entraîner des difficultés à maintenir l’usage des véhicules individuels. Pour autant, les besoins de déplacements existent toujours, à destination de certains pôles structurants (courses alimentaires, démarches, consultations, loisirs…). Il y a donc un besoin d’accompagnement important de ce groupe démographique compte tenu des enjeux d’autonomie lors de l’avancée en âge, d’autant que la part de cette population va croître dans les prochaines années.
Dans les espaces peu denses, les dynamiques pouvant concerner les jeunes (en raison par exemple de la présence de familles avec enfants) ou les personnes âgées (en raison du vieillissement de la population) impliquent de prêter une attention importante aux caractéristiques démographiques du territoire. Aux âges extrêmes de la vie, les enjeux de mobilité se présentent certes différemment, mais avec toujours en toile de fond la question de l’autonomie, de la socialisation et de la plus ou moins grande dépendance à des services spécifiques ou à des tiers.
Genre et mobilité
Les pratiques de mobilité sont fortement genrées dès lors que l’on prête attention aux motifs de déplacements. Les femmes se déplacent en effet relativement moins pour des motifs professionnels (du fait d’un taux d’activité plus bas, et d’une activité à temps partiel plus fréquente), mais elles effectuent beaucoup d’autres déplacements, en particulier ceux liés à l’accompagnement, aux achats et aux démarches. Ces différences s’accentuent de surcroît pour les femmes vivant en couple dès lors que le couple a des enfants. Les territoires périurbains sont ainsi souvent marqués par la multiplicité des déplacements effectués par les femmes accompagnant leurs enfants dans leurs différentes activités du mercredi (« maman-taxi »). Ces multiples sollicitations peuvent rendre plus difficile l’accès à l’emploi à temps plein, l’accès à des emplois qualifiés ou l’accès à certains niveaux de responsabilité. Un travail de sensibilisation et de réduction de ces mobilités mal réparties entre hommes et femmes peut permettre de réduire ces inégalités.
Au quotidien, les femmes recourent aussi plus à la marche et aux transports en commun que les hommes et elles font un usage moindre de la voiture et du vélo.