Tendances économiques et démographiques et impact sur les mobilités

L'ESSENTIEL

Les tendances démographiques et économiques propres à chaque territoire sont à prendre en compte pour anticiper les changements dans les pratiques et les besoins de mobilité. Il n’y a pas nécessairement de corrélation parfaite entre croissance démographique et / ou économique et augmentation des déplacements, mais les modalités de la croissance ou de la décroissance ont un impact certain sur les systèmes de déplacements.

Les réponses apportées aux besoins de se déplacer doivent être intégrées à un projet de territoire, dépassant le prisme « transports » des politiques de mobilités, et prenant en compte notamment les phénomènes de périurbanisation, de desserrement des emplois, de vulnérabilité énergétique, de sédentarité. Cela place les enjeux des alternatives à l’autosolisme dans une perspective plus complète.

Les dynamiques démographiques et leur spatialisation, quels effets sur la mobilité ?

La dynamique démographique locale influence dans une large mesure le développement des activités économiques et la conjugaison de ces deux facteurs génère, pour les individus, une certaine demande de mobilité pour accéder aux emplois, aux services aux équipements, etc. Cette mobilité se traduit en déplacements quotidiens réalisés pour différents motifs (travail, études, achats, loisirs, etc.), avec différents modes de transport (voiture, transports collectifs, deux roues, etc.) et sur certains axes maillant le territoire, en fonction de la répartition de la population, des activités et des services. La dynamique dépend du type de population : ainsi attirer des jeunes couples avec enfant(s) implique des emplois, des écoles alors qu’attirer de jeunes retraités implique d’autres éléments (service à la personne à domicile, établissements de santé, etc). Parmi la population active, l’analyse peut se préciser plus avant selon le niveau de revenu/type d’emploi qu’occuperont ces personnes (télétravail, horaires fixes/variables et typiques/atypiques, par exemple). 

Cette dynamique démographique varie selon le type de territoire. En reprenant les catégories utilisées par la grille communale de densité, on observe que les espaces peu denses sont marqués par une croissance démographique de 2% par an environ sur la période 2012-2017, soit la moyenne nationale. Seuls les espaces très peu denses enregistrent une baisse de leur population. Le dynamisme des espaces peu denses est dû à un solde migratoire (l’écart entre les arrivées et les départs du territoire) plus élevés que dans les autres types de territoires, qui compense un solde naturel (la différence entre la natalité et la mortalité) plus faible. A l’inverse, les espaces les plus denses se caractérisent par un solde migratoire négatif et un solde naturel positif. On constate ainsi une certaine attractivité résidentielle des espaces de faibles densités. Pour autant les réalités locales sont sensiblement hétérogènes, le diagnostic doit donc prendre en compte à la fois les tendances globales tout en précisant les spécificités de chaque territoire, voire, lorsque cela est possible, les disparités au sein du territoire.
 

 

Espaces densément peuplés

Espaces de densité intermédiaire

Espaces peu denses

Espaces très peu denses

Total général

Population 2018 (en millions)

25,4

19,5

19,5

23,8

66,8

Part des communes en croissance démographique (2012-2017)

69,9 %

63,4 %

63,0 %

46,6 %

65,1 %

Part des communes au solde naturel positif (2012-2017)

95,9 %

69,9 %

63,2 %

51,8 %

77,2 %

Part des communes au solde migratoire positif (2012-2017)

33,1 %

54,0 %

61,8 %

48,6 %

48,1 %

Solde migratoire (2012-2017)

(% population 2018)

-1,3 %

0,9 %

1,7 %

-0,3 %

0,2 %

Solde naturel (2012-2017)

(% population 2018)

3,4 %

1,0 %

0,3 %

-0,4 %

1,7 %

Croissance démographique (2012-2017) (% population 2018)

2,1 %

1,9 %

2,0 %

-0,8 %

1,9 %

source : Insee, RP ; Population légale 2018

 

Mais outre les tendances démographiques globales, c’est la manière dont la croissance ou le déclin démographique se distribue sur le territoire qui joue sur les demandes et pratiques de déplacement. En particulier c’est la localisation des nouveaux habitants (ou à l’inverse des départs) qui va déterminer l’évolution des besoins de mobilité sur le territoire. Cette cartographique de la croissance est à mettre en lien avec l’évolution du marché immobilier et la localisation de nouvelles activités pourvoyeuses d’emploi, mais aussi avec la desserte actuelle du système de transport. En effet, afin de freiner l’augmentation des distances des mobilités contraintes et notamment des déplacements pendulaires, il convient de réfléchir en termes d’aménagement du territoire à l’éloignement relatif des espaces résidentiels attractifs et des principaux pôles d’activité et notamment d’emploi. Or du fait de la pression foncière et immobilière, et en l’absence de contraintes naturelles ou réglementaires, de nombreux ménages sont amenés à s’installer de plus en plus loin des polarités afin de réaliser leur projet d’accession à la propriété et de bénéficier d’un cadre de vie plus valorisé. Cela augmente les besoins de déplacement (notamment pendulaires et en particulier dans le périurbain moins dense des grandes aires urbaines ou les aires urbaines transfrontalières). Or ces espaces sont généralement moins bien desservis par les transports en commun et trop éloignés des lieux d’intérêt pour l’usage des modes actifs, ce qui rend l’usage de la voiture important en volume et nécessaire du fait de l’absence d’alternative. La maîtrise du développement urbain constitue donc une dimension importante des politiques de mobilité. Si le principe de densification et de concentration dans une métropolisation toujours plus forte a en partie été remis en cause. Des pistes peuvent permettre de diminuer la demande de déplacement :

  • la recherche d’un équilibre polycentrique (par exemple pour lutter, à une échelle locale contre la désertification des bourgs secondaires au profit du centre-bourg, ou encore à l’échelle nationale, contre le monocentrisme de la région parisienne) ;
  • un contrôle de la para-urbanisation (l’exode vers les villages, générateur de plus de mobilité) des zones les plus éloignées ;
  • la restructuration des territoires périurbains anciens.
     

Les données démographiques sont aussi à prendre en compte dans le cas d’un déclin démographique. En effet la baisse du nombre d’habitants entraîne à la fois des flux moins massifiés et donc plus difficiles à prendre en charge de manière classique par des services de transports collectifs tout en réduisant les ressources de la collectivité. La concertation avec les habitants peut permettre de légitimer certaines actions négatives (telles que la suppression d’un arrêt de ligne), etc.) tout en identifiant les éléments essentiels à conserver. Des enquêtes de préférences et/ou une concertation sur les scénarios d’évolution du territoire entrent dans ce cadre.

L’évolution du marché de l’emploi, quels effets sur la mobilité ?

Outre les dynamiques démographiques, c’est l’évolution des activités et du marché de l’emploi qui régit la demande et les modalités de déplacement sur le territoire. Ce sont tant les caractéristiques sectorielles (tertiaires, artisanat, etc) que géographiques qui jouent sur la demande de mobilité. En effet, certains secteurs d’activités génèrent plus ou moins de déplacements logistiques et professionnels, qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Si l’activité agricole génère peu de mobilités professionnelles, elle peut générer des mobilités de marchandises qui peuvent s’avérer contraignantes ou conflictuelles avec d’autres déplacements si le réseau n’est pas adapté. Les activités industrielles génèrent des flux de mobilité, liés aux allers-retours des travailleurs mais aussi au transport logistique, relativement importants et axés vers les zones d’activités. À l’inverse le tertiaire se concentre plutôt dans les centres urbains. Le cas du secteur commercial est particulier puisqu’outre des mobilités professionnelles et logistiques importante, il induit des déplacements supplémentaires pour la clientèle.

Il est possible de distinguer par ailleurs les mobilités qui relèvent d’activités « présentielles » des mobilités qui relèvent d’activités « productives ». Les activités présentielles dépendent d’une demande locale, ce qui nécessite une bonne accessibilité de proximité. Les activités productives dépendent d’une demande extérieure et délocalisable et supposent un système de mobilité plutôt adapté aux besoins logistiques. Les données relatives aux secteurs d’activités comme celles ayant trait au caractère présentiel ou productif de l’économie sont disponibles sur le site de l’Observatoire des territoires.
 

Zoom 

activités présentielles : production de biens et de services visant à satisfaire les besoins des personnes du territoire, résidentes ou touristes : services de proximité, santé et action sociale, administration, distribution, éducation, formation, etc

activités productives : production des biens exportés hors du territoire : agriculture, BTP, fabrication, transport, logistique, etc.


Au-delà des secteurs d’activités, c’est l’implantation de ces activités et emplois qui va influer sur les pratiques de déplacements sur le territoire. En particulier, il est nécessaire d’observer le desserrement ou la concentration des emplois/activités pour pouvoir adapter le système de mobilité en fonction. Mais les politiques de mobilité ne doivent pas être uniquement des politiques de transport. En effet, si à court terme un service de transport peut faciliter les déplacements des habitants et des usagers, c’est une réflexion à moyen et long terme sur l’aménagement du territoire et les modalités de son développement qui permet d’assurer un droit à la mobilité grâce à la proximité et à l’accessibilité. Cela est d’autant plus important que de manière générale la plus forte dissociation des lieux de travail et de résidence conduit à augmenter les mobilités. En effet on observe un renforcement de la concentration des emplois dans les pôles, d’une part, et des d’actifs occupés dans les périphéries de ces pôles, d’autre part. On observe de fait une augmentation des déplacements domicile-travail : l’INSEE relève ainsi qu’en 2016, 9 millions de personnes, soit un tiers des actifs, ne travaillaient pas dans leur intercommunalité de résidence (soit une hausse de l’ordre de 12% en 10 ans). Certes, il est important de faciliter la mobilité via des services de transports plus pertinents ou performants, mais les politiques publiques territoriales ne se réduisent pas à ce type de mesures. Un des enjeux de l’action publique peut être didentifier la façon la plus efficace de soutenir lemploi là où les gens résident, même lorsque le contexte économique est moins porteur.

Notons par ailleurs que si l’emploi reste concentré dans les grandes villes et dans les villes moyennes (celles-ci comptent presque toutes davantage d’emplois que d’actifs occupés), il s’est aussi largement périurbanisé dans les couronnes des principales agglomérations, notamment dans les zones d’activités et pôles tertiaires périphériques depuis les années 1980.

À l’inverse certains centres bourgs des espaces ruraux ou périurbains sont marqués par des processus de dévitalisation ou de revitalisation qu’il convient de prendre en compte du fait de leurs effets sur les pratiques de déplacement. Un certain nombre de programmes en fait un enjeu majeur du développement local (Agenda rural, Action Cœur de ville, Territoires d’industries, Pactes territoriaux) car outre le fait d’assurer la présence d’équipements et de services de proximité, le maintien de centres urbains secondaires stabilise certains emplois et la vitalité sociale des territoires. Si tous les centres ne présentent pas le même potentiel ou ne s’inscrivent pas dans les mêmes dynamiques, le diagnostic peut permettre justement d’identifier les contraintes ou les opportunités qui pèsent sur le dynamisme local. Celui-ci peut s’appuyer sur les indicateurs présentés ci-dessus en les mettant en relations les uns avec les autres pour cerner les caractéristiques économiques et démographiques du territoire. L’exercice de la typologie peut alors permettre de synthétiser ces informations, de faire ressortir les grands enjeux et spécificités locaux tout en se repérant par rapport à d’autres territoires. Mais une catégorie de typologie ne saurait résumer la complexité d’un territoire : il faut donc faire attention aux modalités de constructions et aux critères retenus pour construire une typologie donnée.

Une autre évolution plus récente peut avoir des effets sur la mobilité : le télétravail partiel, hors périodes spécifiques telle que celles du Covid-19, qui connait un essor significatif, en particulier dans les activités tertiaires, depuis la fin des années 2010. Il est susceptible d’avoir plusieurs effets, en particulier :

  • une limitation des mobilités pendulaires, et donc des distances parcourues ;
  • une incitation à habiter plus loin… et donc une potentielle augmentation des distance parcourues.

Une approche systémique de la mobilité

On le voit, la mobilité n’est pas qu’une question de services de transport, de flux et d’infrastructures. Les réponses apportées aux besoins de se déplacer doivent être intégrées à un projet de territoire, dépassant le prisme « transports » des politiques de mobilités, et prenant en compte des phénomènes tels que la périurbanisation, le desserrement des emplois. Cela permet une certaine alternative à la voiture individuelle. Les politiques de mobilité sont donc à la fois des politiques de transport et des politiques d’aménagement du territoire. Il faut donc ainsi mettre en perspective les dynamiques démographiques et économiques du territoire avec l’offre de mobilité existante et les potentiels besoins de mobilité induit par les modalités du développement local. Aussi l’analyse des dynamiques territoriales est intimement liée à celle des documents de prévisions et de planification, dans la mesure où ils posent des horizons, des scénarii et des perspectives d’évolution.

Source : France Stratégie (2021), « Mobilités dans les espaces périphériques et peu denses : pour un territoire plus accessible ? »
Source : France Stratégie (2021), « Mobilités dans les espaces périphériques et peu denses : pour un territoire plus accessible ? »