Intermodalité. Offre et aménagements
Qu’est-ce que l’intermodalité ?
L’intermodalité est un concept qui renvoie à la possibilité pour les personnes ou les marchandises de passer d’un mode de transport à un autre au cours d’un même déplacement. Au sens plus opérationnel pour les voyageurs, l’intermodalité apparaît comme une pratique de mobilité caractérisée par l’utilisation successive de deux ou plusieurs modes de transports au cours d’un même déplacement. Ce concept se distingue de celui de la multimodalité, qui est la possibilité d’utiliser alternativement différents modes de transport pour réaliser un déplacement.
Les enjeux
Covoiturage, autopartage, modes actifs, services librement organisés... Ces offres de mobilité complètent aujourd’hui les réseaux publics de transports collectifs urbains et non urbains. Ce bouquet de mobilité démultiplie les moyens de déplacements pour l’usager. Cependant, pour proposer à l’usager un service « porte-à-porte », ces offres doivent être complémentaires entre elles. En visant une meilleure articulation des offres de transports pour les rendre plus attractives, le développement de l’intermodalité permet de proposer une alternative pertinente à l’usage de la voiture individuelle, et une offre de mobilité de qualité pour les personnes non motorisées. Ainsi, l’intermodalité est aujourd’hui au cœur des politiques de mobilité.
Alors que le panorama des pratiques intermodales montre que les déplacements intermodaux répondent à certains besoins individuels, le développement de politiques intermodales de mobilité répond plus globalement aux enjeux du développement durable.
L’enjeu économique :
Les sources de financement traditionnellement mobilisées pour soutenir et développer les réseaux de transports collectifs peinent à couvrir les dépenses liées à la mise en place et au fonctionnement de ces réseaux.
Il devient donc souhaitable d’orienter le modèle de développement de ces réseaux vers l’optimisation de l’offre existante et la complémentarité intermodale. Chacun des systèmes et services de mobilité est d’autant plus viable qu’il est déployé sur son domaine de pertinence.
Par ailleurs, en améliorant les conditions de déplacement (meilleure gestion de la congestion par la rationalisation de l’usage de la voiture, diversification des offres alternatives à la voiture), une politique intermodale permet de renforcer la compétitivité et l’attractivité du territoire.
L’enjeu social du droit à la mobilité :
La LOTI (Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs) a introduit la notion de droit au transport, au chapitre 1 du code des transports : « la mise en œuvre progressive du droit au transport permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d’accès, de qualité, de prix et de coût pour la collectivité [...] ». Le code des transports met également l’accent sur la nécessité de prendre des mesures particulières pour les publics en difficulté de mobilité, qu’il s’agisse des personnes à mobilité réduite ou des « catégories sociales défavorisées ». Enfin, il insiste sur l’importance d’informer correctement l’usager.
Une meilleure articulation des services de mobilité offerts à l’usager participe à la mise en œuvre de ce droit au transport. L’intermodalité multiplie en effet les possibilités de desserte du territoire, notamment pour les personnes non motorisées, et à un coût souvent plus avantageux que celui de la voiture particulière, pour les non captifs.
L’enjeu environnemental :
L’intermodalité constitue un enjeu écologique et de santé publique majeur. En effet, la voiture particulière est, pour le secteur des transports, le principal émetteur de gaz à effet de serre et de particules fines.
Or l’automobiliste se reporte vers des modes alternatifs à la voiture particulière uniquement s’il existe des solutions de mobilité réellement concurrentielles à cette dernière. Si ces modes alternatifs ne sont pas correctement chaînés, la pénibilité des correspondances fait qu’ils ne sont pas assez attractifs pour concurrencer l’automobile individuelle. Ainsi, en chaînant les modes alternatifs, on contribue à réduire le nombre de kilomètres parcourus en voiture particulière. De ce fait, par la même occasion, l’espace occupé par la voiture particulière est rééquilibré, notamment en milieu urbain et les émissions de gaz à effet de serre et de polluants locaux sont limitées.
L’enjeu environnemental est identifié par la puissance publique depuis plus de vingt ans. Ainsi, la « Stratégie nationale du développement durable », publiée par le ministère de l’environnement en 1996 à l’occasion des Assises nationales du développement durable, soulignait que « pour prendre la direction du développement durable, les techniques ne suffiront pas. Il faut en effet […] encourager une réflexion intermodale, organisée et régulière, sur la demande de transport afin de la confronter aux différentes offres ». Et ces principes sont encore valables aujourd'hui, comme en témoignent les dispositions de la Loi d'Orientation des Mobilités (2019) en faveur de l'intermodalité.
Ainsi, le choix de développer une politique intermodale contribue au développement d’un bouquet de services de mobilité et à l’optimisation de l’offre de transport et de mobilité.
Voir également : la fiche du Cerema « L’intermodalité : enjeux, gouvernance et leviers »
Diagnostiquer les conditions d’intermodalité : principes généraux
Deux approches peuvent en théorie être complémentaires pour le diagnostic :
- Les méthodes quantitatives : basés sur les données de déplacements du territoire, mais les données sont parfois manquantes dans les territoires peu denses. Les enquêtes mobilité certifiées Cerema (EMC2), lorsqu’elles sont menées, ne sont par exemple pas nécessairement toujours adaptées pour ce diagnostic au niveau du territoire peu dense. Les données INSEE et les enquêtes origine-destination sont également des sources de données mobilisable, mais la pertinence est à étudier dans chaque cas.
- Les méthodes qualitatives : qui permettent d’évaluer l’intégration, dans le système global de déplacement, des différents services de mobilité mis en œuvre (ou en creux, la rupture de charge entre les modes). Les analyses peuvent notamment s’appuyer sur des entretiens auprès d’acteurs du territoire ou des enquêtes auprès d’usagers. L’objectif est également d’apprécier le niveau de satisfaction des pratiques de mobilité, notamment intermodales, des usagers. Il peut être pertinent de cibler les pratiques et besoins de certaines catégories de population, comme les personnes à mobilité réduite, ou des habitants de certaines parties du territoire spécifiques (exemple des quartiers «politique de la ville»).
De manière générale, on peut dire que le diagnostic sur l’intermodalité repose sur trois questions :
- quelle est l’offre intermodale sur mon territoire ? Quels sont les services de mobilité qui la composent (TER, tramway, bus, vélo, covoiturage, autopartage...) et quels sont les services associés (information multimodale, tarification, billettique...). Une attention sera portée également sur les lieux de l’intermodalité (pôles d’échanges multimodaux) et sur les ruptures de charge (quelle est la coordination en termes d’horaires et d’amplitude horaire des différents services sur la journée ?).
- quels sont les besoins et les pratiques intermodales des usagers ?
- dans quelle mesure l’intermodalité améliore l’accessibilité de mon territoire ?
Ce diagnostic doit être également élaboré de façon prospective afin de prendre en compte les projets de transport et d’urbanisme à moyen et long terme. Cette méthode permet d’anticiper l’évolution des besoins et des pratiques intermodales.
Ici, nous nous focalisons sur la première question : le diagnostic de l’offre, à savoir les aménagements et services présents.
Diagnostic des lieux d’intermodalité
L’analyse des pôles d’échanges multimodaux est particulièrement pertinente. Il s’agit d’étudier leur localisation par rapport aux réseaux de transports et aux infrastructures viaires, les modes concernés et la place qu’occupe chacun dans ces pôles. L’analyse de la qualité des aménagements et des conditions d’accueil des usagers (conditions d’attente et qualité de l’information par exemple) permet de comprendre également certains freins éventuels au développement de pratiques intermodales. A ce titre, mixité fonctionnelle, vie urbaine, qualité architecturale, lisibilité, aménagement, ambiance, mobilier urbain, éclairage, bruit, pollution, circulation apaisée, covisibilité, etc., sont autant de facteurs qui peuvent être pris en compte.
Voir également : la fiche du Cerema « Des pôles d’échanges au service de l’intermodalité »
Diagnostic des services complémentaires (information , billétique, tarification)
Il convient également de regarder attentivement les services complémentaires et indispensables facilitant l’intermodalité :
- les systèmes d’information multimodale : Combien sur le territoire ? Quelle articulation entre eux ? De quel type (public et privé) ? Avec quels supports de diffusion ? Quels modes de transport sont pris en compte dans ces systèmes ? Quels usages ? Quelle information fournie (temps réel ou non, renvoi sur d’autres sites...) ?
- La recherche d’itinéraires proposée permet-elle des trajets en intermodalité, combinant plusieurs modes de transports pour un même déplacement (covoiturage et transport collectif par exemple) ? Quelle appropriation par les usagers et quelles difficultés constatées ?
- une tarification intégrée : Existe-t-elle et sous quelle forme ? Avec quels tarifs pour quel mode ? Pour quels usagers (abonnés ou occasionnels) ? Comment peut-elle être améliorée?
- un système de billettique : pour quels titres, quels usagers, sur quels supports...?
Voir également :
- la fiche du Cerema « La tarification intégrée pour faciliter l’intermodalité »
- la fiche du Cerema « La billettique interopérable au service de l’intermodalité »
Existe-t-il une application MaaS à l’échelle du territoire ou à une échelle supérieure ?
Ces services complémentaires sont autant de facilitateurs, qui peuvent aussi être intégrés dans un même projet unique et global de MaaS (Mobility-as-a-Service). Le but est de faciliter encore plus l’intermodalité et plus généralement les pratiques de déplacement alternatives à la voiture individuelle, que ces pratiques soient entièrement ou même très partiellement intégrées. Le diagnostic doit également aborder la question de leur pertinence par rapport aux objectifs de politique publique : qui a accès et qui n’a pas accès à ce service d’information multimodale (agilité numérique, abonnés / occasionnels) ? Quels incitatifs au changement de comportement et quels impacts du dispositif ?
Diagnostiquer l’intermodalité transport public-transport public
L’intermodalité TC-TC repose sur l’articulation physique et organisationnelle des offres de transports. Ainsi, sur ce plan, le diagnostic peut porter sur :
- la cohérence des horaires proposés,
- les amplitudes journalières des différents services et leurs jours de circulation,
- les taux de régularité et de ponctualité,
- la gestion du réseau en cas de difficulté sur un des modes (retard ou annulation...).
Diagnostiquer l’intermodalité vélo-transport public
Le diagnostic de l’intermodalité vélo-transport public peut porter sur :
- les conditions de stationnement des vélos dans les gares, les pôles d’échanges multimodaux et aires de mobilité (nombre de places, qualité et sécurité du stationnement),
- les conditions d’embarquement des vélos dans les systèmes de transport (cf notamment les obligations fixées par les articles L. 1272-5 et L. 1272-6 du Code des Transports sur le transport des vélos non démontés). Voir également les fiches sur ce sujet,
- la qualité des aménagements cyclables en rabattement et diffusion vers et depuis les modes de transport structurants, les gares, les pôles d’échanges multimodaux et aires de mobilité («dernier kilomètre» ),
- l’existence de systèmes de vélos en location (courte ou longue durée) dans les pôles d’échanges multimodaux ou ailleurs sur le territoire, et leurs conditions,
- l’existence d’une tarification avantageuse et d’un système de billettique adapté pour les services de location de vélo et pour le stationnement.
Diagnostiquer la complémentarité voiture (ou deux-roues motorisé)-transport public
Ce type de complémentarité est plutôt organisé sur des axes de transports structurants, généralement en entrée d’agglomération pour les transports urbains, et, dans le cas des zones peu denses, le transport public structurant concernera plutôt les liaisons ferrées. Le diagnostic peut alors porter sur la complémentarité voiture-transport public au niveau des gares ferroviaires (voire routières) et en bout de ligne (ou à certains points stratégiques) du réseau de transport public lorsqu’il existe, et en particulier sur :
- les conditions de stationnement pour les véhicules particuliers (capacité, tarification),
- la localisation de points de covoiturage et les éventuels services associés («lignes de covoiturage» à destination d’une gare),
- l’existence et la localisation de stations d’autopartage, le nombre de véhicules et les tarifs associés,
- les tarifs de stationnement,
- les capacités d’accueil,
- la localisation de ces points d’intermodalité...